Le mois dernier dans cette série nous avons regardé en détail comment fonctionne le système de gestion de l’aléatoire de Sonic Pi. On a exploré comment on peut l’utiliser de manière déterministe pour avoir de nouveaux niveaux de contrôle dynamique sur notre code. Ce mois-ci nous allons continuer notre exploration technique et regarder le système unique de ‘tick’ de Sonic Pi. D’ici la fin de cet article vous parcourrez des rythmes et mélodies sur votre chemin pour devenir un DJ de programmation interactive.
Quand on fait de la musique on a souvent envie de faire quelque chose de différent en fonction du temps sur lequel on est. Sonic Pi a un système spécial pour compter les temps appelé tick
pour vous donner un contrôle précis sur quand est-ce qu’un battement arrive réellement et il supporte même des battements multiples avec leur propre tempo.
Amusons-nous : pour avancer le temps on a juste besoin d’appeler tick
. Ouvrez un buffer libre, tapez le code suivant et cliquez sur le bouton ‘Run’:
puts tick #=> 0
Cela retournera le battement courant : 0
. Remarquez que même si vous cliquez plusieurs fois sur le bouton ‘Run’, il retournera toujours 0
. Cela parce que chaque exécution commence avec un compteur qui part de 0. Cependant, pendant que le programme tourne, on peut avancer le compteur autant qu’on veut :
puts tick #=> 0
puts tick #=> 1
puts tick #=> 2
Quand vous voyez le symbole #=>
à la fin d’une ligne de code cela veut dire que cette ligne va noter ce texte dans la partie de droite de Sonic Pi. Par exemple, puts foo #=> 0
veut dire que le code puts foo
affiche 0
dans le log à cet endroit du programme.
On a vu que tick
fait deux choses. Il incrémente (ajoute un) et retourne le compteur courant. Parfois on veut juste regarder le battement courant sans devoir l’incrémenter et on peut faire cela via look
.
puts tick #=> 0
puts tick #=> 1
puts look #=> 1
puts look #=> 1
Dans ce code on incrémente le compteur deux fois puis on appelle look
deux fois. On verra les valeurs suivantes dans le log : 0
, 1
, 1
, 1
. Les deux premiers tick
s ont retourné 0
et 1
, comme attendu, puis les deux look
s ont juste retourné la dernière valeur du compteur deux fois, donc 1
.
On peut donc avancer le compteur avec tick
et en connaître la valeur avec look
. Qu’est-ce qui vient suite ? On a besoin de quelque chose à parcourir. Sonic Pi utilise les anneaux pour représenter les mélodies et rythmes et le système de tick a été conçu spécialement pour fonctionner avec eux. En fait, les anneaux ont leur propre version de tick
qui fait deux choses. D’un côté elle agit comme un tick normal et incrémente le compteur. D’un autre, elle donne une valeur de l’anneau en utilisant le compteur comme index. Voyons cela :
puts (ring :a, :b, :c).tick #=> :a
.tick
est une version spéciale avec un point de tick
qui nous retourne la première valeur de l’anneau: : :a
. On peut attraper chacune des notes de l’anneau en appelant :tick
plusieurs fois :
puts (ring :a, :b, :c).tick #=> :a
puts (ring :a, :b, :c).tick #=> :b
puts (ring :a, :b, :c).tick #=> :c
puts (ring :a, :b, :c).tick #=> :a
puts look #=> 3
Regardez le log et vous verrez :a
, :b
, :c
et puis de nouveau :a
. Remarquez que look
retourne 3
. Les appels à .tick
se comportent comme les appels à tick
: ils incrémentent le compteur local.
La véritable puissance vient quand on mélange tick
avec des anneaux et des live_loop
s. En les combinant on a tous les outils dont on a besoin pour construire et comprendre un arpégiateur simple. On a juste besoin de quatre choses :
Un anneau qui contient les notes sur lesquelles on va boucler Une manière d’incrémenter et de lire le compteur La capacité de jouer une note en se basant sur le compteur courant Une structure de boucle qui répète l’arpégiateur en continu
Ces concepts se retrouvent tous dans le code suivant :
notes = (ring 57, 62, 55, 59, 64)
live_loop :arp do
use_synth :dpulse
play notes.tick, release: 0.2
sleep 0.125
end
Regardons chacune de ces lignes. On commence par définir notre anneau de notes que nous allons jouer en continu. On crée ensuite une live_loop
nommée :arp
qui va boucler pour nous. A chaque itération de la live_loop
on choisit un synthé :dpulse
et on joue ensuite la note suivante de notre anneau en utilisant .tick
. Souvenez-vous que cela va incrémenter notre compteur de temps et en utiliser la valeur comme index dans notre anneau de notes. Enfin on attend un huitième de temps avant de recommencer la boucle.
Une chose très importante à savoir est que les tick
s sont liés à la live_loop
. Cela veut dire que chaque live_loop
a son propre compteur indépendant. C’est beaucoup plus puissant que d’avoir un métronome et battement global. Regardons ce que cela donne :
notes = (ring 57, 62, 55, 59, 64)
with_fx :reverb do
live_loop :arp do
use_synth :dpulse
play notes.tick + 12, release: 0.1
sleep 0.125
end
end
live_loop :arp2 do
use_synth :dsaw
play notes.tick - 12, release: 0.2
sleep 0.75
end
Une grande source de confusion dans le système de tick de Sonic Pi est quand on veut parcourir plusieurs anneaux dans le même live_loop
.
use_bpm 300
use_synth :blade
live_loop :foo do
play (ring :e1, :e2, :e3).tick
play (scale :e3, :minor_pentatonic).tick
sleep 1
end
Même si chaque live_loop
a son compteur indépendant, ici on appelle .tick
deux fois dans la même live_loop
. Cela veut dire que le compteur sera incrémenté deux fois à chaque boucle. Cela peut produire des polyrythmes intéressants mais ce n’est souvent pas ce que l’on souhaite. Il y a deux solutions à ce problème. Une option est d’appeler tick
manuellement au début de la live_loop
puis d’utiliser look
pour chercher la valeur courante du compteur dans chaque live_loop
. La seconde solution est de passer un nom unique à chaque appel à .tick
, comme par exemple .tick(:foo)
. Sonic Pi créera alors un compteur séparé pour chaque tick nommé que vous utiliserez. Ainsi on peut travailler avec autant de compteurs que nécessaire ! Lisez le section 9.4 sur les ticks nommés dans le tutoriel inclus dans Sonic Pi pour plus d’informations.
Combinons nos connaissances sur les tick
s, ring
s (anneaux) et live_loop
s pour un dernier exemple amusant. Comme d’habitude, ne traitez pas ceci comme un morceau terminé. Commencez à changer des choses et amusez-vous avec et voyez en quoi vous pouvez le transformer. A la prochaine…
use_bpm 240
notes = (scale :e3, :minor_pentatonic).shuffle
live_loop :foo do
use_synth :blade
with_fx :reverb, reps: 8, room: 1 do
tick
co = (line 70, 130, steps: 32).tick(:cutoff)
play (octs :e3, 3).look, cutoff: co, amp: 2
play notes.look, amp: 4
sleep 1
end
end
live_loop :bar do
tick
sample :bd_ada if (spread 1, 4).look
use_synth :tb303
co = (line 70, 130, steps: 16).look
r = (line 0.1, 0.5, steps: 64).mirror.look
play notes.look, release: r, cutoff: co
sleep 0.5
end